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J'ai été, non violée, mais agressée sexuellement de manière très violente à l'âge de seize ans. Je n'en ai jamais parlé. Sur le coup, j'ai essayé mais on m'a fait taire avec cet argument (à tout prendre, judicieux) : "tu vas détruire "x" si tu en fais état"… et je n'ai pas insisté. C'est cela qui m'a marquée, plus que le geste lui-même, que j'ai mis des années à identifier comme tel : je refusais même d'y penser ou plus exactement d'y réfléchir car en fait j'y pensais tout le temps, cela faisait partie de moi ; avant d'être moi même, j'étais "celle à qui cette chose est arrivée", c'était bizarre de se voir ainsi, cela me coupait de tous. TOUS. Différente. Cela m'a poursuivi tout le temps sans même que je ne m'en rende compte, m'a laissé un immense manque de confiance en moi (masqué) et a perturbé mes relations ultérieures avec les hommes, tous uniformément choisis d'une culture différente de la mienne (et d'une culture différente entre eux, comme si j'avais effectué des "essais" successifs afin de trouver enfin quelqu'un qui n'aurait pas pu être celui qui m'avait agressée). Il m'arriva d'oublier, d'être "bien", mais au moindre aléas, (quel qu'il soit, travail, amour, rupture) "cela" revenait en force comme la toile de fond qui me constituait : j'étais différente, je me traînais moi-même comme un boulet.
Ce que je veux dire est ceci : on peut s'en sortir si on est bien débriefée et immédiatement, mais tout autre cas vous renvoie à la solitude mortifère. Je n'ai bien sûr pas porté plainte, ignorant même qu'on le pusse (puisque je me refusais à identifier ce dont j'avais été victime) et je ne l'aurais sans doute pas fait de toutes manières. C'est l'angoisse d'être méjugée ou non crue (mon agresseur étant insoupçonnable), affront pire que l'acte lui même car il l'entérine, le valide et l'intensifie... le sentiment de solitude et de "différence" qui fondent à se taire donc à s'éloigner encore plus de TOUS, cercle vicieux. Un fantasme, la peur d'être rejeté une seconde fois, puis une autre encore etc.? NON. Une réalité, vous allez le voir.
Lorsque récemment j'ai franchi le pas, 20 ans après, je me suis heurtée de la part d'une proche (cousine par alliance) habituellement plutôt mesurée à une réaction d'une violence inouïe ("folle, semeuse de merde, perturbée, aigrie" etc.) qui est allée jusqu'à faire signer sa lettre de "rupture" injurieuse par son mari, celui de la famille dont j'étais le plus proche, sans qu'il ne le sache… si bien que cela m'a finalement coupée de tous. J'ai eu confirmation 7 ans après qu'il n'était pas au courant de m'avoir "écrit" ce poulet ni a fortiori de sa teneur. Donc la victime qui d'instinct se rencogne comme un animal blessé, se cachant pour, soit mourir, soit se "réparer" seule, a parfois toutes les raisons de le faire ; il arrive souvent que la société, le groupe social voire une seule personne, horrifiés, n'admettent pas "ça" et que le meilleur moyen trouvé pour ne pas l'admettre soit le déni…donc le mitraillage de la victime (qui vous a fait confiance en vous parlant, soit dit en passant) afin de la mettre à distance. Elle est "celle par qui le scandale est arrivé", victime ou pas, ça ne change rien, et elle représente, si elle parle à d'autres, un danger pour tout le groupe, une bombe à retardement qui est en train de se dégoupiller : il faut donc la liquider avant qu'elle n'ait "sévi" et se mettre le plus loin possible avant l'explosion. Pour cella, se positionner en faveur du coupable. Car lui, il ne parle pas, ne fait courir aucun danger au groupe, il est discret, forcément tandis que celle qui ose lever l'omerta, au contraire, va entraîner tout le groupe par le fond. Car selon le conformisme bourgeois, il est moins dirimant pour la galerie d'avoir dans le tableau de famille une "folle" qu'un agresseur sexuel. Dans le premier cas, on s'en remet socialement (il y a des déséquilibrés dans les meilleures familles), dans l'autre, tout le groupe est déshonoré. Profit et pertes : c'est donc la victime qui est jetée aux lions et le coupable, porté sur palanquin (cela va avec : si elle ment, lui est un martyr).
Calcul ou instinct ? Les deux : la victime ne va pas protester socialement d'avoir été insultée/rejetée pense-t-on, elle va faire ce qu'elle a toujours fait, se taire, se replier, éviter, fuir. Cette rupture violente organisée (si possible publique) prévient du naufrage social que l'on sent imminent au cas où elle se mettrait ou se serait déjà mise à parler à d'autres : on ne la connaît plus, on n'est plus concerné, on s'est démarqué par avance. Les rats ont quitté le navire. Tout va bien. On ne sait même plus qui elle est. Hélène Larrivé
J'ai été, non violée, mais agressée sexuellement de manière très violente à l'âge de seize ans. Je n'en ai jamais parlé. Sur le coup, j'ai essayé mais on m'a fait taire avec cet argument (à tout prendre, judicieux) : "tu vas détruire "x" si tu en fais état"… et je n'ai pas insisté. C'est cela qui m'a marquée, plus que le geste lui-même, que j'ai mis des années à identifier comme tel : je refusais même d'y penser ou plus exactement d'y réfléchir car en fait j'y pensais tout le temps, cela faisait partie de moi ; avant d'être moi même, j'étais "celle à qui cette chose est arrivée", c'était bizarre de se voir ainsi, cela me coupait de tous. TOUS. Différente. Cela m'a poursuivi tout le temps sans même que je ne m'en rende compte, m'a laissé un immense manque de confiance en moi (masqué) et a perturbé mes relations ultérieures avec les hommes, tous uniformément choisis d'une culture différente de la mienne (et d'une culture différente entre eux, comme si j'avais effectué des "essais" successifs afin de trouver enfin quelqu'un qui n'aurait pas pu être celui qui m'avait agressée). Il m'arriva d'oublier, d'être "bien", mais au moindre aléas, (quel qu'il soit, travail, amour, rupture) "cela" revenait en force comme la toile de fond qui me constituait : j'étais différente, je me traînais moi-même comme un boulet.
Ce que je veux dire est ceci : on peut s'en sortir si on est bien débriefée et immédiatement, mais tout autre cas vous renvoie à la solitude mortifère. Je n'ai bien sûr pas porté plainte, ignorant même qu'on le pusse (puisque je me refusais à identifier ce dont j'avais été victime) et je ne l'aurais sans doute pas fait de toutes manières. C'est l'angoisse d'être méjugée ou non crue (mon agresseur étant insoupçonnable), affront pire que l'acte lui même car il l'entérine, le valide et l'intensifie... le sentiment de solitude et de "différence" qui fondent à se taire donc à s'éloigner encore plus de TOUS, cercle vicieux. Un fantasme, la peur d'être rejeté une seconde fois, puis une autre encore etc.? NON. Une réalité, vous allez le voir.
Lorsque récemment j'ai franchi le pas, 20 ans après, je me suis heurtée de la part d'une proche (cousine par alliance) habituellement plutôt mesurée à une réaction d'une violence inouïe ("folle, semeuse de merde, perturbée, aigrie" etc.) qui est allée jusqu'à faire signer sa lettre de "rupture" injurieuse par son mari, celui de la famille dont j'étais le plus proche, sans qu'il ne le sache… si bien que cela m'a finalement coupée de tous. J'ai eu confirmation 7 ans après qu'il n'était pas au courant de m'avoir "écrit" ce poulet ni a fortiori de sa teneur. Donc la victime qui d'instinct se rencogne comme un animal blessé, se cachant pour, soit mourir, soit se "réparer" seule, a parfois toutes les raisons de le faire ; il arrive souvent que la société, le groupe social voire une seule personne, horrifiés, n'admettent pas "ça" et que le meilleur moyen trouvé pour ne pas l'admettre soit le déni…donc le mitraillage de la victime (qui vous a fait confiance en vous parlant, soit dit en passant) afin de la mettre à distance. Elle est "celle par qui le scandale est arrivé", victime ou pas, ça ne change rien, et elle représente, si elle parle à d'autres, un danger pour tout le groupe, une bombe à retardement qui est en train de se dégoupiller : il faut donc la liquider avant qu'elle n'ait "sévi" et se mettre le plus loin possible avant l'explosion. Pour cella, se positionner en faveur du coupable. Car lui, il ne parle pas, ne fait courir aucun danger au groupe, il est discret, forcément tandis que celle qui ose lever l'omerta, au contraire, va entraîner tout le groupe par le fond. Car selon le conformisme bourgeois, il est moins dirimant pour la galerie d'avoir dans le tableau de famille une "folle" qu'un agresseur sexuel. Dans le premier cas, on s'en remet socialement (il y a des déséquilibrés dans les meilleures familles), dans l'autre, tout le groupe est déshonoré. Profit et pertes : c'est donc la victime qui est jetée aux lions et le coupable, porté sur palanquin (cela va avec : si elle ment, lui est un martyr).
Calcul ou instinct ? Les deux : la victime ne va pas protester socialement d'avoir été insultée/rejetée pense-t-on, elle va faire ce qu'elle a toujours fait, se taire, se replier, éviter, fuir. Cette rupture violente organisée (si possible publique) prévient du naufrage social que l'on sent imminent au cas où elle se mettrait ou se serait déjà mise à parler à d'autres : on ne la connaît plus, on n'est plus concerné, on s'est démarqué par avance. Les rats ont quitté le navire. Tout va bien. On ne sait même plus qui elle est. Hélène Larrivé
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