Blog-note

lundi 25 avril 2011

Ou on a coupé le téléphone au Tribunal pour non paiement, non ce n'est pas une blague !

La justice AVEC avocat et la justice SANS avocat, ce n'est pas du tout pareil!



L'image de la Justice, en déshérence, comme ces corons (lien)

Qu'on se le dise, au tribunal d'instance, on a le droit de ne pas être représenté par un avocat.. même comme "demandeur" *, à condition que le litige n'excède pas 4000 € (chiffre non garanti mais ça tourne autour de ça). Bref, on peut se défendre soi même... ce qui souvent est mieux, notamment en province où (voir lien)... mais ce n'est pas toujours simple, les formules de requête doivent être adéquates, (le langage juridique ! Dire que l'on prétend que les philosophes ou les médecins jargonnent... Exemple, quand un huissier se déplace, c'est un "exploit" (!), quand il apporte une lettre au tribunal, il l' "enrôle" et lorsqu'un avocat rédige un dossier, c'est toujours des "conclusions" etc... Il faut savoir et toujours translittérer mentalement... )

Voilà donc, après un parcours du combattant -presque-, enfin arrivé le jour J. du procès où on va vous rendre justice. Premier épisode : une salle surchauffée où les gens attendent, certains ne peuvent même pas s'aseoir (lien), le ballet des hommes en toge qui bavardent sans trop se gêner, rigolent parfois, du coup certains quidams n'entendent pas l'appel de leur nom et c'est la confusion, "mais non je ne suis pas absent"... "mais vous n'avez pas répondu"...etc. 

Et c'est la litanie égrenée à voix basse, infinie : affaire truc contre machin, report... affaire chose contre bidule, report... On n'entend rien, les avocats s'approchent du juge à l'appel, conciliabules à mi voix... retour en place, et ça défile. La petite juge souriante a quelque chose comme 150 dossiers, il lui est impossible de faire mieux que de choisir les plus urgents... Un sur dix ? Même pas.

Votre partie adverse, finaude, a bien sûr demandé le report... que la juge s'empresse d'accepter, c'est toujours ça gagné, on la comprend. Ca tombe pour le mois et demi suivant. Encore un mois et demi à attendre donc. Ils ont choisi, eux, un avocat et on les comprend aussi car ils sont mal barrés. Attendre encore... Par parenthèse, votre compte est saisi pour une facture de 4000 euros correspondant à une maison que tout le monde reconnait que vous n'avez jamais habitée (lien) et en attendant le report, vous l'êtes toujours. C'est toujours ça de gagné aussi pour eux. Soit. 

Re arrive enfin le jour J' où justice va vous être rendue etc. Jour que vous attendez avec impatience depuis un mois et demi.

Notez que vous avez reçu les "conclusions" de votre partie adverse... la veille au soir, encore vous a-t-il fallu aller les chercher auprès de la police municipale... où, malchance, le policier municipal qui vous avait apporté la convoc était en congé l'après-midi et le seul qui se trouvait dans le bureau, aimable mais surchargé de paperasse savait pas où son collègue l'avait mise... Finalement, il l'avait trouvée mais il avait fallu insister. Vous avez donc eu une nuit pour préparer vos propres "conclusions" (c'est à dire tout bêtement vos réponses) vous n'avez évidemment pas dormi à cause du stress car ce n'était pas si compliqué... Vous êtes cette fois en état moyen, tant pis. Chose faite, vous êtes donc au tribunal et attendez. C'est un autre juge (celle qui avait été nommée doit être en congé maternité), il a une centaine de dossiers, comme d'hab, une paille. 

Arrive votre tour. Et c'est... le fatidique "report". Alors là, vous craquez. La nuit blanche, les propos désobligeants tenus brièvement à votre encontre par l'avocat, le juge qui s'exclame qu' "il n'y a pas d'urgence" puisque vous êtes déjà "saisie" (votre compte est prélevé) ... autrement dit, au point où vous en êtes, vous pouvez tenir encore deux mois de plus... ou DAVANTAGE ...

Vous lui tendez la convocation de votre partie adverse datée et même horodatée (du matin même), il s'étonne, trouve en effet la démarche inacceptable et contraint le jeune avocat à en convenir, ce que celui-ci fait au bout de trois fois avec une certaine mauvaise grâce, comme si on lui arrachait les... mettons les oreilles.

Puis, aimable, il lui demande si le report lui convient, (l'avocat acquiesce, mais souligne qu'il vient de loin) et du coup le magistrat l'assure qu'il sera prévenu en cas d'impossibilité pour la prochaine fois (!) afin qu'il ne se dérange pas pour rien.. au cas où l'affaire serait encore renvoyée en raison du trop grand nombre de cas !) Ceci sans un mot pour vous.

Et là, c'est le clash. Vous êtes déjà venue deux fois, il y a le passif déjà lourd (lien)... et voilà que ce monsieur parce qu'avocat sera, lui, averti, et non vous : vous allez peut-être encore devoir attendre pour rien etc... Bref, vous vous emballez, soulignant la différence entre la manière dont on traite le justiciable AVEC avocat et le justiciable SANS avocat... et que la justice n'en sort pas grandie etc... Réponse du juge surchargé : "Allez voir votre député, je ne peux pas faire mieux". A quoi vous rétorquez : "Allez voir votre syndicat". Et ça s'emballe encore, l'attente, l'injustice, votre compte saisi, les reports successifs (là, de deux mois et encore rien n'est sûr!) qui profitent aux mieux lotis voire aux filous et découragent les pauvres etc.

Au stade où vous êtes, vous vous en fichez ! Tant pis si vous braquez celui qui détient votre sort entre ses mains, tant pis si vos propos dépassent votre pensée (mais ce n'est pas le cas), si vous le payerez peut-être plus tard.. la locomotive est lancée sans freins, vous déballez tout, vous invoquez l'équité et la justice et faites mine de la chercher en vain (tiens, il n'y a plus laMarianne avec sa balance, le fait est)...

Et là, stupeur, c'est le juge qui vous retient et s'explique : les restrictions effarantes de budget et de personnel, il a deux tribunaux en charge pour remplacer des absents c'est à dire qu'il doit effectuer sans moyens le travail de deux collègues (déjà trop lourd pour un seul) il n'a par exemple pas pu passer un fax hyper urgent à un tribunal... parce qu'on leur avait coupé le téléphone pour non paiement (!)...

Ca en devient presque comique... On sait cela en effet dans les grandes lignes mais ces détails vous stupéfient comme tous.. certains se suicident observez-vous (lien) et lui ajoute qu'il y en a encore eu un autre récemment (vous l'ignorez, apparemment, les suicides de juges ne font pas recette ni sur le post ni ailleurs), on compte même le papier et les stylos... Vous partez, en sanglots, il se montre navré, ne supportant pas dit-il de voir une femme pleurer... et vous lui répondez que ce n'est pas grave, ça va passer, c'est moins dramatique que Fukushima en somme. Surréaliste. 

Un seul avocat (à votre connaissance) a protesté et a demandé à la personne qui vous accompagne de vous entraîner dehors, les autres n'ont pas bronché (mais il est vrai que le juge s'est in fine plus exprimé que vous.) Stop, je pleure encore en l'écrivant (lien). Encore deux mois, deux mois... l'éternité moins un jour. A qui cela profite-t-il? A ceux qui vous pompent depuis deux ans, c'est toujours ça de gagné pour eux.

* Dans un procès, le "demandeur" est celui qui l'initie (on dit qui "assigne" l'autre) le défendeur, celui qui est assigné.

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